On reconnaît a posteriori le génie universel à sa capacité d’avoir traversé son époque en faisant corps avec elle, sans grandes révolutions apparentes, sans que jamais la société dans laquelle il vit ne le perçoive comme un OVNI. Ce sont des êtres rares. Les artistes surdoués, eux, sont nombreux, et l’histoire de la musique regorge de ces talentueux décalés, de ces Albatros qui, parfois, ne peuvent s’adapter au monde qui les porte. Mais le talent n’est pas le génie. Ce qui distingue le génie de Marcus Miller, c’est sa transparence, sa façon de modifier le monde en profondeur, une sorte de tsunami sans dégâts collatéraux.
Patrick Savey nous plonge dans le monde de Marcus, traversant le décor des racines new-yorkaises du légendaire bassiste, suivant sa piste comme les cailloux du Petit Poucet, au gré de ses rencontres artistiques avec les plus grands du jazz, de Larry Graham et Jaco Pastorius à David Sanborn, Herbie Hancock, Al Jarreau et Miles Davis, un fantastique voyage musical et visuel.
Remontant l’histoire de ce musicien d’exception – multi-instrumentiste, compositeur, producteur – ce film nous fait revivre, à travers témoignages et extraits de concerts, trois décennies de révolution du jazz dans lesquelles Marcus a pris, avec exigence et générosité, sa large part. Avec surtout une remarquable humanité, une connaissance et une rare appropriation de l’histoire de la musique afro-américaine, du gospel de son enfance au funk-orchestral de son dernier album « Renaissance ».
Renaissance… comme le tsunami culturel qui secoua l’Europe. Le temps des génies universels.
François ROBIN